Vendre un bien en indivision : Guide étape par étape
Lorsque plusieurs personnes sont copropriétaires d'un bien immobilier, on parle d’indivision. Ce type de situation, fréquent lors d'héritages ou d'achats communs, nécessite de respecter des règles spécifiques pour vendre le bien ou sa part. Voici les étapes et les procédures détaillées pour mener à bien une vente en indivision.
Étape 1 : Comprendre le fonctionnement de l’indivision quand on est propriétaire
La première étape pour vendre un bien indivis consiste à comprendre ce qu’implique l’indivision.
Dans cette configuration, chaque copropriétaire (ou indivisaire) détient une part du bien en fonction de sa contribution financière initiale. Toutefois, cette propriété partagée n’est pas sectorisée : chaque indivisaire est propriétaire de l’ensemble du bien de manière indivise, c’est-à-dire sans division matérielle.
L’indivision est un régime juridique généralement temporaire (articles 815 et suivants du Code civil) et chaque copropriétaire est libre de quitter l’indivision à tout moment, en cédant sa quotepart indivise ou en déclenchant la vente de la totalité du bien.
L’indivision est souvent privilégiée pour des raisons pratiques ou financières, mais elle impose une gestion commune. Les indivisaires sont tous responsables des décisions liées au bien, ce qui peut parfois compliquer les prises de décision.
Le saviez-vous ? Si vous envisagez l’achat d’un bien à plusieurs, une solution alternative à l’indivision est de créer une Société Civile Immobilière (SCI), en particulier une SCI familiale. Ce cadre juridique offre plus de souplesse pour gérer le bien et en faciliter la transmission entre proches.
Étape 2 : Fixer la valeur du bien immobilier et déterminer les modalités de vente
Avant de mettre le bien en vente, il est indispensable de s’accorder sur sa valeur.
Pour éviter les conflits, il est recommandé de faire appel à un expert immobilier ou un notaire. Ce professionnel réalisera une estimation en prenant en compte les caractéristiques spécifiques du bien et les prix du marché local.
Fixer un prix juste est essentiel pour que chaque indivisaire accepte la vente. Un prix surévalué pourrait dissuader des acheteurs potentiels, tandis qu’un prix trop bas peut léser les copropriétaires.
Il existe plusieurs options pour fixer le prix :
- Expertise contradictoire : en cas de désaccord entre les indivisaires, une expertise contradictoire permet de recueillir plusieurs avis d’experts. Cela garantit une évaluation impartiale du bien.
- Accord amiable : si les indivisaires s’entendent bien, ils peuvent décider ensemble du prix de vente sans recours à une expertise.
Exemple concret : Si un appartement situé dans un quartier en pleine valorisation est surévalué par certains indivisaires, une expertise contradictoire permettra d’obtenir une estimation plus objective et d’anticiper tout litige postérieur.
Pour les indivisaires souhaitant racheter la part des autres, il peut être utile de réaliser une simulation de prêt immobilier pour évaluer leur capacité d’emprunt. Cela permet d’anticiper le financement nécessaire pour racheter la part indivise, en particulier dans le cadre d’un rachat de soulte.
Étape 3 : S’assurer de l’accord de la majorité nécessaire pour la vente
En matière de vente d’un bien indivis, l’unanimité n’est pas nécessaire.
Depuis la loi de simplification de 2009, il suffit que les indivisaires représentant au moins deux tiers des parts se mettent d’accord pour vendre le bien (article 815-5 du Code civil). Ces deux tiers se calculent en fonction des droits indivis, et non du nombre de copropriétaires.
La procédure à suivre est la suivante :
- Les indivisaires majoritaires doivent notifier leur intention de vendre aux autres copropriétaires par l’intermédiaire d’un notaire.
- Le notaire informe chaque indivisaire par voie de commissaire de Justice, anciennement nommé huissier, en précisant les conditions de vente et la répartition prévue du prix de vente.
Les autres indivisaires peuvent réagir de plusieurs manières :
- Acceptation : les indivisaires minoritaires acceptent la vente, et la procédure peut se poursuivre.
- Refus ou silence : après un délai de trois mois, un silence vaut refus. Dans ce cas, les indivisaires majoritaires peuvent saisir le Tribunal Judiciaire (TJ) pour obtenir l’autorisation de vente aux enchères.
Exemple concret : Paul et sa sœur détiennent ensemble 70 % des parts d’une maison familiale en indivision avec leur cousin. Ils peuvent donc engager la vente même si leur cousin est opposé à cette idée.
Étape 4 : Comment vendre un bien en indivision sans l'accord de tous ?
Si vous n’obtenez pas la majorité des deux tiers mais que vous souhaitez vendre, d'autres solutions existent :
- En cas de blocage, vous pouvez procéder à une vente judiciaire forcée. Pour cela, il vous faut demander au Tribunal Judiciaire d’autoriser la vente aux enchères du bien. Cela peut être envisagé si la situation d’indivision est conflictuelle ou entrave les droits de certains indivisaires.
- Si aucun indivisaire ne souhaite racheter votre part, vous pouvez la proposer à un acheteur extérieur, en respectant le droit de préemption des autres indivisaires.
- Dans certains cas, un indivisaire peut souhaiter conserver le bien en rachetant les parts des autres indivisaires. Ce processus, appelé rachat de soulte, permet à l’indivisaire de devenir propriétaire unique en compensant financièrement les autres copropriétaires.
Un indivisaire peut se trouver bloqué dans la vente si un seul indivisaire refuse systématiquement toutes les offres. Dans ce cas, la vente judiciaire forcée peut débloquer la situation.
Étape 5 : Vendre sa part d’un bien en indivision
Vous avez également la possibilité de vendre uniquement votre part dans le bien, sans imposer la vente totale. Cela peut être une solution pratique si les autres indivisaires préfèrent conserver leur part.
Deux options s’offrent alors à vous :
- Vendre votre part à un autre indivisaire : Cette solution est souvent simple et fiscalement avantageuse. Elle est soumise à des droits de mutation réduits (2,5 %), sans imposition sur les plus-values.
- Vendre votre part à un tiers : Si aucun indivisaire n'est intéressé par le rachat de votre part, vous pouvez la proposer à une personne extérieure. Toutefois, les autres indivisaires ont un droit de préemption et doivent être informés par huissier des conditions de vente.
Les indivisaires intéressés disposent d’un mois pour se manifester et racheter votre part. Si aucun n’exerce son droit dans ce délai, vous êtes libre de vendre à l’acheteur tiers. Si vous vendez votre part à un tiers, ce dernier se retrouvera en indivision avec les autres copropriétaires. Cela peut aussi être une opportunité pour un tiers souhaitant acheter une maison à plusieurs d’entrer dans l’indivision.
Exemple concret : Julie souhaite vendre sa part d’une maison familiale. Aucun de ses frères n’est intéressé, elle peut donc proposer sa part à un tiers en respectant le droit de préemption.
Étape 6 : Assumer les frais de notaire et autres coûts
La vente d’un bien en indivision implique des le paiement des frais de notaire, qui sont habituellement répartis entre tous les indivisaires selon leur part.
Ces frais incluent :
- Les frais d’actes notariés : pour la préparation et la finalisation de la vente.
- Les droits de partage : perçus par l’État sur le montant de la transaction.
- Les frais annexes : tels que l’évaluation foncière, les droits d’enregistrement, et les frais de publication.
Qui paie les frais de notaire ? La répartition de ces frais se fait par le notaire lui-même : ce dernier calcule ces frais en fonction de la part de chaque indivisaire. Par exemple, si un indivisaire détient 40 % du bien, il paiera 40 % des frais.
Exemple concret : Dans une indivision où les frais de notaire s’élèvent à 12 000 €, chaque indivisaire paie selon sa quote-part. Si Marie possède 25 % des droits indivis, elle réglera 3 000 €.
Étape 7 : Récapitulatif et rappel des principaux droits des indivisaires
En fin de procédure, il est important pour chaque indivisaire de bien comprendre ses droits :
- Droit de sortie de l’indivision : tout indivisaire peut quitter l’indivision en vendant sa part.
- Droit de préemption : en cas de vente à un tiers, les autres copropriétaires ont un droit d’achat prioritaire.
- Décision de majorité : une majorité des deux tiers est suffisante pour vendre le bien.
Ces droits sont garantis par la loi et permettent à chaque indivisaire de faire valoir ses intérêts dans la vente du bien en indivision.
Cet article a été relu par Karine Dabot, avocate depuis 1994 au barreau d'Aix-en-Provence.
Spécialisée en droit bancaire, voies d'exécution et droit des sûretés, elle intervient principalement en contentieux civil et commercial, transactions immobilières et saisie immobilière.